Der Maulwurf
(la taupe)
« IL
Y A TOUJOURS DEUX RAISONS POUR FAIRE QUELQUE CHOSE,
UNE BONNE RAISON, ET LA VRAIE RAISON »
DALE CARNEGIE
Extraits du dossier des régulateurs
SUJET : Le Colonel Kurt Mueller de la STASI dit DER MAULWURF ( La taupe )
chargé de l’édification
LE PETIT PRINCE
PREMIERE PARTIE : LA DISPARITION
An
1970 jour 19 BERLIN-EST
Ministère de la sécurité de l’état
Crista
Grohmann impressionnée, franchit la porte de l’immeuble
massif et austère et se dirige vers le bureau d’accueil.
Elle s’adresse au préposé :
«
Je suis Madame Grohmann, j’ai rendez-vous avec le Colonel
Kurt Mueller . »
L’employé décroche un téléphone, échange
quelques mots, puis lui indique un endroit muni de sièges
dans une partie du hall.
«
Vous pouvez attendre là bas, quelqu’un va venir
vous chercher. »
Crista s’installe et se remémore sa conversation
téléphonique avec le Colonel. Elle a plutôt été agréablement
surprise par l’affabilité de son interlocuteur
et par la rapidité avec laquelle elle a obtenu un
rendez-vous.
Un soldat se présente, parcourt les lieux du regard,
la remarque et se dirige vers elle :
«
Madame Grohmann ? »
Elle se lève et acquiesce.
«
Suivez-moi. »
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Der
Maulwurf dans son uniforme de Colonel, qu’il ne met
que dans les grandes occasions, vérifie la position
de sa casquette et s’examine dans la vitrine de la
bibliothèque de son bureau, c’est le grand
jour ! Il faut faire bonne impression.
Ce serait dommage de remettre en question huit mois de travail
préparatoire.
Quelques coups discrets sont frappés à la porte.
La voilà ! Il répond :
« Oui ! »
La porte s’ouvre et le planton fait entrer Crista Grohmann.
La taupe regarde entrer l’objet de ses fantasmes, toujours aussi jolie,
toujours la même grâce, une classe naturelle indigne d’un subalterne
de lieutenant même pas capable de surveiller un bout de mur !
Pour Crista au contraire la surprise est plutôt désagréable.
Elle reconnaît aussitôt le malotru inconvenant qu’elle n’a
pourtant croisé qu’une fois dans sa vie.
Quel manque de chance ! Il doit bien y avoir des centaines d’officiers
en RDA pourquoi lui ?
C’est une énorme déception pour elle, c’est aussi pour
l’instant la seule voie de recours dont elle dispose pour retrouver son
mari, il va falloir composer.
Kurt Mueller lui tend la main et simule la surprise :
«
Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés……Où étais-ce
? …..Mais je manque à mes devoirs. Asseyez-vous, je vous en prie. »
Mme Grohmann s’éxécute.
Le Colonel se laisse choir dans son fauteuil et poursuit :
«
Si j’ai bien compris, votre mari le Lieutenant Grohmann n’a pas regagné le
domicile conjugal depuis une semaine, expliquez-moi ? »
Crista raconte ses inquiétudes, ses recherches depuis sept jours, le mur
du silence auquel elle se heurte, son conjoint se serait volatilisé sur
le trajet qui le conduit au poste de garde de Pankow. Elle se souvient du moment
où elle lui a fait signe de la fenêtre de leur appartement avant
qu’il ne monte dans sa voiture, puis le véhicule s’est éloigné et
plus personne ne l’a revu ainsi que son occupant?
Le Colonel l’écoute attentivement, puis lui répond et se
veut rassurant. Il mettra tous les moyens en œuvre pour retrouver le Lieutenant.
Pour ce faire, il collecte un maximum de renseignements sur le disparu. Il évoque
aussi la possibilité d’une fugue sentimentale et pose des questions
d’ordre privé sur leur couple.
A la fin de l’entretien, devant la porte au moment de se séparer
il s’exclame :
«
Cà y est, je me souviens maintenant de notre première rencontre!
Les danses cubaines, comment ais-je pu oublier! Vous n’avez pas été très
gentille avec moi. Mais je vous pardonne, je crois que j’avais sous estimé l’effet
des boissons exotiques. »
Crista qui s’était parfaitement remémoré cette situation
dés l’entrée dans ce bureau, fait semblant d’avoir
une réminiscence :
« Les danses cubaines…. Ah ! oui, je me souviens. Moi non plus je
n’étais pas très bien ce jour là. J’ai même
du me faire reconduire à la maison, veuillez m’excuser si je vous
ai froissé. »
Kurt conclut :
«
Je vous pardonne, d’ailleurs nous allons avoir l’occasion de nous
revoir, je vous recontacte dés que j’ai des informations, à bientôt
Crista. »
Puis il lui serre longuement la main.
Mme Grohman précédée du garde qui la reconduit vers la sortie
se contrôle pour respirer calmement afin de soulager son angoisse.
Elle n’aime pas cet homme, mais elle n’a pas le choix, c’est
la seule personne qui a accepté de l’aider.
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An 1969 jour 121 BERLIN-EST ( Soit environ huit mois auparavant.
)
Ministère de la sécurité de l’état.
Procédure opérationnelle N°1
(Renseignement)
Gerhart
Schmidt, officier traitant de la STASI frappe à la
porte du bureau où le Colonel Kurt Mueller l’a
convoqué.
Aussitôt il entend une voix timbrée l’invitant à entrer.
Le colonel en le voyant consulte sa montre et constate, satisfait
:
«
Parfait, vous êtes un agent ponctuel, notre collaboration
commence sous de bons auspices, j’espère que
votre réputation n’est pas usurpée, asseyez-vous
!
J’ai une mission à vous confier. »
Tous deux sont en civil et rien ne les distingue des quidams
vaquant dans la rue.
Kurt Mueller tend un dossier à son vis à vis
:
Celui-ci l’ouvre et découvre en premier lieu,
une photo en noir et blanc, représentant un lieutenant
de l’armée populaire de la RDA.
«
Vous ne connaissez probablement pas cet homme, il s’agit
du Lieutenant Willy Grohmann, j’ai de bonnes raisons
de lancer une procédure de renseignement à son
encontre!
Vous épluchez dans le détail, ses fréquentations,
ses centres d’intérêts, son passé,
tout !
Je vous laisse le dossier. »
Gerhart Schmidt, feuillette rapidement les rares documents
tout en demandant à son supérieur:
«
Avez-vous des précisions à me donner pour aiguiller
mes recherches ? »
Le colonel lui rétorque :
«
Je ne vais pas vous apprendre votre métier ! Vous
avez carte blanche ! Alors, rendez-vous dans un mois pour
un premier compte rendu de vos investigations.
Quelques
minutes plus tard en sortant de l’immeuble
massif et triste, l’officier traitant Schmidt dubitatif
constate :
«
C’est la première fois que l’on me confie
un travail de renseignement sans m’indiquer un début
de piste ?
Quel est le but de cette mission ? »
Gerhart a entendu parler du colonel Mueller surnommé ‘’der
Maulwurf ’’, le personnage traîne une réputation
malsaine, tout le monde se méfie de ‘’la
taupe’’ il détient des dossiers sur tous
ses collaborateurs afin de les tenir à sa merci.
Il est persuadé qu’en parallèle à sa
mission ‘’der Maulwurf ’’, par précaution,
a commandité une enquête sur sa propre personne
et ses proches !
Tout le monde est parano en RDA, mais avec ‘’la
taupe ‘’ on touche vraiment le fond !
Gerhart Schmidt se console en se disant qu’il y a bien
plus mal loti que lui.
Il ne souhaiterai pour rien au monde être à la
place du malheureux Lieutenant Willy Grohmann dont il possède
un début de dossier dans la mallette qu’il tient à la
main !
Malheur à celui
qui suscite l’intérêt
du Colonel Kurt Mueller !
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An 1969 jour 152 BERLIN-EST
Ministère de la sécurité de l’état.
Gerhart Schmidt, officier traitant de la STASI sur l’injonction
du Colonel Kurt Mueller entre dans le bureau où ce
dernier l’a convoqué. Tout en s’interrogeant
:
« Est-ce un concours de circonstances ? Où est-ce une mesure de
précaution ? La taupe aime-t-elle le changement ? Serais-je invité dans
un endroit différent à chaque entrevue ? »
Le Colonel nerveux et agité, toujours habillé en civil lui propose
un siège et lui demande de but en blanc:
«
N’auriez-vous pas croisé dans les couloirs ou les ascenseurs en
venant ici un jeune homme chauve vêtu d’un t-shirt kaki et d’un
pantalon de toile de la même couleur avec autour du cou une chaîne
en acier munie d’une plaque. Vous savez du genre des plaques d’identification
des G I américains ? »
Un peu surpris Gerhart essaie de se souvenir :
«
Non, je n’ai croisé que des fonctionnaires et des militaires en
uniforme, ce n’est pas banal comme tenue, je l’aurais remarqué. »
Der Maulwurf s’indigne :
«
C’est incroyable ! Il y a un individu qui se promène dans les
locaux du ministère, et personne ne l’a vu entrer ou sortir, ni
les caméras, ni les gardiens ! »
Schmidt lui demande :
«
Qui l’a vu ? »
Le Colonel manque de s’étouffer :
«
Moi ! Bien sur ! Il est entré ici sans frapper, et voyant que je m’y
trouvais m’a dit ‘’sorry’’ et il est ressorti
aussitôt. Vous vous rendez compte, il m’a dit sorry ! Pas verzweifelt,
mais sorry ! Je me suis levé pour le rattraper, j’ai regardé dans
le couloir et rien ! Volatilisé ! »
Le téléphone se met à sonner et la taupe décroche, écoute
quelques secondes, puis hurle :
«
Bande d’incapables ! Des têtes vont tomber ! J’attends de
vos nouvelles. »
Il raccroche brutalement et revient à son informateur :
«
Bien nous avons assez perdu de temps, dites-moi ce que vous avez collecté! »
Schmidt un peu perturbé, s’assoit et commence la lecture de son
rapport :
« Willy Grohmann, né le 3 décembre 1930,
est le fils de Herbert Grohmann conducteur de bus et de Crista
Wesener opératrice de montage dans les ateliers Zeiss,
deux personnages sans histoires, rien dans les dossiers,
aucune activité réactionnaire ou antisocialiste à noter.
Willy a une sœur Emma, de deux ans plus jeune que lui,
célibataire et qui travaille à la poste de
Iéna.
Rien de particulier de ce coté pour l’instant à part
peut-être un voyage à l’Ouest pour une
compétition de natation où elle a figuré en
troisième place.
J’ai bien épluché les rapports des collaborateurs
officiels et inofficiels qui ont participé à cette
sortie, aucun comportement incivique n’a été relevé. »
Kurt Mueller l’interrompt pour lui préciser
:
«
Vous approfondirez vos recherches au sujet de Mademoiselle Grohmann, une fille
de trente trois ans, qui n’est pas mariée et par conséquent
qui n’a pas d’enfants, c’est le signe d’un comportement
asocial et égoïste.
Vérifiez qu’elle n’a pas effectué d’autres
sorties hors de nos frontières à l’Est comme à l’Ouest.
Consultez aussi les pédigrés de tous ceux qui l’ont accompagnée
lors de cette compétition. »
Puis il lui fait signe de poursuivre.
Schmidt après avoir pris quelques notes, reprends :
«
Willy Grohmann a commencé ses études plutôt laborieusement,
puis orienté vers une école militaire, il semble y avoir trouvé sa
voie. Il s’est donc naturellement engagé dans l’Armée
Nationale Populaire où il a gravit les échelons jusqu’à son
grade actuel de lieutenant.
Il est aujourd’hui chargé de la surveillance de la frontière
Nord du coté de Pankow avec sa section de Vopos.
Il a épousé Christa Beyer professeur de musique, fille de Klaus
Beyer professeur de physique et Frida Braun contremaître sur une chaîne
de fabrication de voitures Trabant . »
A cet instant, Gerhart en bon professionnel note une lueur d’intérêt
chez son vis à vis. Et discrètement souligne sur son rapport
le prénom de Crista Beyer, devenue Crista Grohmann.
Et poursuit la lecture de ses notes :
«
Rien à signaler du coté de ses parents, pas de rapports des sources,
aucune remarque des voisins.
Aujourd’hui Madame Grohmann donne des cours de musique classique au conservatoire,
après son travail, pour occuper ses loisirs elle participe aussi à un
club de danse. »
«Vous
appliquerez la procédure opérationnelle
2 au sujet de ce club, je veux savoir ce qu’on y danse
et avec qui. » Exigea le Colonel.
Schmidt approuve et reprends :
«
Le couple à un fils Franz né le 21 mars 1953.
Il étudie la photographie, nous n’avons pas
relevé de véritables comportements réactionnaires
ou antisocialistes de sa part. »
Der Maulwurf s’étonne:
«
Qu’entendez-vous par ‘’véritables
comportements’’ ? »
Gerhart inquiet, regarde son supérieur et précise
:
«
Je veux dire qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes
de 16 ans aujourd’hui qui ne sont pas vêtus de
manière bizarre et qui n’écoutent pas
de musique Pop en cachette ! »
«
Et vous pensez qu’écouter cette soi disant musique
de dégénérés entrée en
fraude en RDA n’est pas le signe d’un comportement
réactionnaire et antisocialiste ! »
Eructe la taupe.
L’officier traitant réfléchit rapidement
et s’explique :
«
C’est un comportement négatif, et ce problème
est souvent évoqué dans les commissions de
contrôle, la consigne donnée par le comité central
est de surveiller, de noter et de ne pas utiliser la répression.
Ce comportement est toléré pour l’instant
car cette mouvance à l’Ouest
est plutôt favorable aux pacifistes ainsi qu’aux
socialistes et le Parti veut s’en attirer la sympathie. »
Kurt Mueller insiste :
«
Toléré ou pas je vous demande d’appliquer
aussi la procédure opérationnelle 2 en ce qui
concerne cet élément subversif. De plus je
veux savoir si ses parents sont au courant de ses goûts
musicaux. »
Schmidt note et relève la tête :
«
J’en ai terminé pour l’instant, y a-t-il
d’autres consignes particulières pour la suite
? »
«
Non, poursuivez en tenant compte des remarques que je vous
ai formulées. »
Réponds son interlocuteur.
Gerhart de lève, salue et au moment où il saisit
la poignée de la porte, Der Maulwurf lui lance une
dernière recommandation :
«
Je ne veux pas que Madame Grohmann soit personnellement inquiétée,
c’est important. »
En sortant l’informateur entendit ‘’la
taupe’’grommeler :
«
Bon maintenant il va bien falloir que l’on me donne
des explications au sujet de ce visiteur inconnu ! »
Quelques instants plus tard au volant de sa Traban, le long
de Karl-Marx Allee, Gerhart Schmidt s’interroge au
sujet du comportement du Colonel :
«
L’intérêt qu’il porte à Crista
Grohman la femme du Lieutenant est anormal ! »Pense-t-il.
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An 1969 jour 152 BERLIN-EST
Ministère de la sécurité de l’état
Procédure opérationnelle N°2 (Surveillance,
filatures, écoutes, photos, collaborations volontaires
ou forcées des voisins ou des proches, visites clandestines
du domicile, si besoin faux témoignages)
Dans
son bureau, l’informateur Gerhart Schmidt, officier
traitant détaché au service du Colonel Kurt
Mueller dit ‘’la taupe’’, met de
l’ordre dans sa tête et ses notes.
Récemment son ami Karl de la Stasi lui a fourni un élément
crucial pour le déroulement de sa mission. En effet
ce dernier sans s’en douter lui a donné la clé qu’il
cherchait.
Sachant qu’il travaillait pour le Colonel il lui a
raconté diverses anecdotes à son sujet, notamment
sur ses méthodes, ses relations avec ses collaborateurs,
ses comportements douteux avec les femmes, et c’est
ainsi qu’il a appris l’origine de son surnom ‘’la
Taupe’’.
Contrairement à ce qu’il avait cru jusqu’à présent
le colonel ne l’avait pas mérité en s’infiltrant
en pays étranger, mais parce qu’il avait acquis
la réputation de travailler dans l’ombre à l’insu
de tous, d’autres lui avaient trouvé un autre
surnom encore moins flatteur à savoir ‘’Le
Rat d’égout ‘’!
Et surtout, il lui a fait part d’un petit incident,
un petit affront qu’il a subit venant de la part de
Crista Grohmann l’épouse du Lieutenant qui fait
l’objet de toutes ses attentions !
En
effet, quelques mois auparavant lors d’une réception
donnée en l’honneur d’une délégation
cubaine, le Colonel qui y était invité, a rencontré Crista,
qui participait à la fête avec son groupe de
danseurs. Elle n’était pas accompagnée
de son mari qui était de garde, on lui avait demandé d’organiser
une démonstration de danses cubaines pour faire plaisir
aux camarades venus des tropiques. Kurt Mueller qui avait
un peu forcé sur le punch et émoustillé par
les danses lascives, a tenté de se frotter à la
belle qui l’a gentiment remis en place et qui s’est
rapidement et discrètement fait reconduire pour couper
court à ses assiduités.
Gerhart
connaît bien Karl. Et c’est une rare
personne en qui il a confiance, la réciproque est
vraie, mais malgré cela il se gardera bien de le remercier
du service qu’il lui rend, pour deux raisons, premièrement
il n’est pas fier de ce qu’il va être obligé de
faire et, secondo il craint trop Der Maulwurf : ce serait
trop risqué pour lui, si d’aventure, ce dernier
apprenait qu’il connaît ses motivations.
Sachant
cela sa mission devient plus facile.
Il n’a plus qu’à trouver des éléments
pour charger le mari et l’entourage de la proie du
Colonel pour la lui servir sur un plateau prête à consommer
!
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An 1970 jour 12 BERLIN-EST
Chemin de ronde le long de la frontière Est /Ouest
du coté de Pankow
Procédure opérationnelle N°3 (Arrestation
discrète, mise au secret, interrogatoire )
Le
Lieutenant Willy Grohmann, comptait gravir l’escalier
métallique menant au mirador, mais, ce matin, depuis
la prise de son service il ressent des troubles de vue et
d’équilibre.
Il se retient à la rambarde, ses jambes se dérobent,
et il ne réussit seulement qu’a ralentir sa
chute…
Il reprend conscience dans une cellule spartiate, personne
ne se manifestant, il se lève encore perturbé par
son malaise et se dirige maladroitement vers la porte. Celle-ci
est fermée, il frappe et tente d’appeler mais
sa voix est encore faible.
Quelques minutes d’attente plus tard, il entend des
bruits dans le couloir, il se lève à nouveau
et tente de se faire entendre.
Un bruit de clés et la porte s’ouvre, deux soldats
en uniforme l’invitent à les suivre.
Ils déambulent dans des couloirs interminables entrecoupés
de grilles fermées qui ne s’ouvrent qu’accompagnées
de grincements et de claquements de serrures, puis le décor
change, pour ressembler à un alignement de bureaux
tristes, plus de portes métalliques, mais de chaque
coté du corridor des portes en plaqué imitation
bois. Devant l’une d’elles les hommes s’arrêtent,
frappent, et le font entrer. A l’intérieur un
simple bureau de formica derrière lequel se tient
un homme en civil âgé d’une cinquantaine
d’années, plutôt bien en chair qui se
lève et se présente:
« Bonjour Lieutenant, je suis le colonel Kurt Mueller de la
Stasi ! »
Willy salue immédiatement et militairement son vis à vis.
Ce dernier poursuit narquois :
«
Alors Lieutenant, bien déssoulé ? »
« Mon Colonel il s’agit d’un malaise, depuis ce matin… »
Der Maulwurf le stoppe net:
«
Ne vous foutez pas de moi nous avons procédé à une prise
de sang et le taux d’alcool que nous y avons trouvé n’est
pas compatible avec le service ! »
Grohmann regarde la petite piqûre rouge sur fond bleu dans le pli de
son avant bras.
Kurt reprend :
«
Mais nous ne sommes pas là pour çà, les faits qui vous
sont reprochés sont bien plus graves, nous savons tout ! Vous allez
retourner dans votre cellule, réfléchir, et demain je recueillerai
vos aveux, je vous conseille de coopérer dans votre intérêt
et celui de votre famille. »
Puis il appuie sur un bouton de sonnette.
Tandis que les deux gardes se saisissent de lui pour le raccompagner Grohmann
déclare :
«
Il s’agit d’une méprise mon Colonel, vous verrez d’ici
demain tout sera arrangé, contactez mes supérieurs, vous verrez
que…. »
La taupe lui lance un regard glacial et, en lui désignant un énorme
dossier lui rétorque :
«
Tout est là ! Conclusions d’enquête, témoignages,
photos, etc., ne faites pas le malin ! »
Quelques minutes plus tard Willy de retour dans sa cellule, sur sa paillasse
cherche à comprendre l’incompréhensible !
An 1970 jour 13 BERLIN-EST
Lichtenberg. Centre de garde à vue. Dans un de ses
innombrables bureaux.
Le
Lieutenant Willy Grohmann attend depuis plusieurs heures à coté de
ses gardes silencieux. Il passe le temps en contemplant par
la fenêtre un superbe mirador en béton placé en
angle de mur, et qui surplombe une minuscule cour sale, recouverte
d’un treillage métallique.
Le Colonel en civil entre, accompagné d’une
secrétaire, le Lieutenant lui fait le salut militaire,
Kurt s’assoie sans lui répondre, sort le volumineux
dossier, la femme austère s’installe derrière
une machine à écrire et l’interrogatoire
commence :
«
Je vous écoute ? »
Willy lui demande :
«
Avez-vous contacté mes supérieurs ? »
Mueller lui répond :
«
Non c’est inutile, vous êtes en garde à vue,
au secret, vous n’existez plus. De toutes façons
ne cherchez pas de soutien de ce coté, ce sont des
militaires et notre avis sera le leur. »
Grohmann s’inquiète :
«
Et mon épouse, ma famille, ils ne savent pas où je
suis ? »
La taupe confirme :
«
C’est mieux dans leur intérêt. Mais vous
perdez du temps j’attends vos aveux. »
Willy cherche à garder son calme, il prend une longue
respiration :
«
Je ne comprends rien à ce qui m’arrive, hier
je n’ai pas bu une goutte d’alcool, j’ai
peut-être été drogué, je me sentais
bizarre, affaibli mais pas saoul. »
Der Maulwurf frappe du poing sur la table en exhibant un
bulletin d’analyse:
«
Lieutenant ! Ce n’est pas en niant les évidences
que vous vous en sortirez, nous avons une analyse de votre
sang prélevé quelques minutes après
votre malaise. Le mieux c’est de coopérer, pour
vous et vos proches. »
Grohmann regarde son vis à vis :
« Vous menacez ma famille ? »
Le Colonel prend un air conciliant :
«
Nous voulons les protéger de la honte, leur éviter
l’opprobre de leurs voisins et connaissances. Quelle
sera leur vie si tout le monde apprend que le Lieutenant
Willy Grohmann est interrogé parce que soupçonné d’être
un agent alcoolique et décadent au service de l’Ouest
? »
Le Lieutenant commence à prendre conscience de l’impasse
dans laquelle il se trouve.
Il a bien entendu parler de disparitions, d’incarcérations,
de délations, et il pensait naïvement que tout
cela était exagéré, ou que ceux à qui
cela arrivait, devaient êtres un peu coupables quelque
part…. Il n’y a pas de fumée sans feu
se dit-on.
Tout en cherchant au plus profond de ses souvenirs, il ne
trouve rien qui puisse justifier ne serait-ce qu’une
contravention. De même il ne peut pas imaginer dans
son entourage quelqu’un qui aurait décidé de
lui nuire ?
Il décide de tendre une perche à son interrogateur
:
«
Pouvez-vous me donner un élément pour me mettre
sur la voie ? »
A cet instant le téléphone sonne, Mueller le
décroche :
«
Oui , …., C’est lui même, …., Comment
? Avec une plaque métallique autours du cou ….,
un jeune homme chauve ….,avec de grands yeux….,il
veut me voir ! Vous me le mettez au frais sur le champ ….,
Oui dans une cellule …., J’ai dis dans une cellule
! …., Je passerais le voir tout à l’heure. »
Et il raccroche brutalement :
«
Où en étions-nous ? »
Willy répète :
«
Je vous demandais de m’aider à me souvenir,
de me mettre sur la voie ? »
La taupe extirpe un feuillet du dossier et lui tend :
«
Vous avez de la chance que je sois impatient de faire connaissance
avec un énergumène, qui vient de se jeter dans
la gueule du loup. Lisez ceci, et dites-moi ce que vous en
pensez ? »
Le Lieutenant parcourt la totalité du document et
relève la tête :
«
Je me souviens de cette histoire, de cet homme qui est passé d’Est
en Ouest, au-dessus de la frontière en utilisant une
sorte de ballon ou mongolfière de sa fabrication. »
« Vous ne trouvez pas cela curieux ? »
Objecte le Colonel qui précise aussitôt :
«
La frontière que vous étiez en charge de surveiller
cette nuit là ! »
«
Aucune faute n’a été commise, il faisait
nuit noire, le vent soufflait de la RDA vers la RFA, les
patrouilles n’ont rien entendu, ni les chiens. C’était
totalement imprévisible, par la suite j’ai donné des
consignes pour balayer régulièrement le ciel
avec les projecteurs la nuit quand le vent soufflait dans
ce sens ! »
Précise Grohmann pour se justifier.
«
Je vois que vous poursuivez dans votre attitude négative
Lieutenant, je suis pressé de rencontrer un curieux
personnage, alors je vais faire une exception pour vous… »
Cela dit, der Maulwurf sélectionne quelques feuillets
en double du dossier qu’il tend à son prisonnier
:
«
Etudiez bien ceci en attendant l’aurore, je veillerai à ce
que votre cellule reste éclairée toute la nuit.
Et demain j’attends de vous, des aveux ! »
Puis
dès que son prisonnier a franchi la porte, décroche
son téléphone :
«
Allo, le gardiennage …. Dans quelle cellule avez-vous
rangé le visiteur inconnu ? …. Comment çà,
il a disparu ? …. Je croyais que vous l’aviez
bouclé ? …. Vous avez retrouvé sa cellule
vide? …. Rien sur les écrans ? …. Il a
laissé un mot ? …. Que dit ce mot ? ….
En anglais ?....”It is not possible to imprison the
spirit, Colonel.
Good way to hell!
Sorry.’’
J’arrive, çà va faire très mal ! »
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An 1970 jour 14 BERLIN-EST
Lichtenberg. Centre de garde à vue. Dans un de ses
innombrables bureaux.
Procédure opérationnelle N°4 ( Détention,
parfois disparition )
Le lieutenant Willy Grohmann fatigué, face à der
Maulwurf, une secrétaire sans éclat et deux
gardes dans son dos, commente les pièces à conviction
que ‘’la taupe’’ a bien voulu lui
laisser étudier :
«
Mon Colonel, j’ai retourné ces éléments
dans tous les sens et j’en conclus que quelqu’un
cherche à me nuire.
Mon entourage à été contrôlé.
Vous m’avez laissé un rapport d’une sortie que ma sœur
a faite en RDA il y a 3 ans pour une compétition de natation.
Un autre document indique qu’il y aurait deux activistes néonazis,
dans le club de danse de mon épouse.
La dernière pièce concerne mon fils, qui participerait à une
entreprise de déstabilisation du régime en diffusant des musiques
décadentes et antisocialistes avec l’assentiment de ses parents.
Est cité en exemple une traduction d’un de ses morceaux favori
des Rolling Stones
Dont le titre est ‘’Sympathy for the devil’’, qui dit
:
« Posté du coté de Saint Petersbourg, j’ai vu venir
le temps du changement.
Ils ont tué le tsar et ses ministres. Anastasia a crié en vain. »
Le
plus troublant, c’est la façon dont je suis
arrivé ici, ainsi que l’enchaînement des évènements
?
Quelques heures à peine après mon malaise je
comparaissais devant vous ?
Entre temps : il a fallu que quelqu’un me trouve inanimé,
et que mes subordonnés plutôt que de me garder
en salle de repos en attendant que je retrouve mes esprits,
préviennent une ambulance, qui est arrivée
aussitôt, toujours très rapidement il à été décidé de
me faire une prise de sang et les résultats de celle-ci
ont été immédiats ! Et encore plus sidérant,
au moment où je faisais votre connaissance vous vous
présentiez à moi avec un dossier me concernant
sous le coude !
Je suis l’objet d’une machination, dont j’ignore
le but ?
C’est tout ce que je peux vous dire Colonel. »
Der
Maulwurf laisse passer un moment, puis il déclare
:
«
Vous êtes plus intelligent que je le pensais, Lieutenant,
mais la partie est perdue d’avance pour vous. Personne
ne sait où vous êtes, vous-même l’ignorez,
nous avons le pouvoir absolu sur vous, personne ne peux vous
aider, vous pouvez disparaître à tout moment
sans laisser de traces.
Votre seule chance de sauver votre vie et d’épargner
vos proches, c’est de rédiger vos aveux. »
Willy
Grohmann se prend la tête
dans les mains et reste silencieux en regardant ses genoux
:
La
taupe assène un
nouveau coup :
«
Je vous laisse au secret pendant quelques jours, avec des
soins médicaux appropriés. Quand nous nous
reverrons, je suis sûr que nous trouverons un terrain
d’entente… »
Le
Colonel se lève et quitte la pièce. Puis
il déambule dans les couloirs et se rend dans un autre
bureau moins austère où l’attend Gerhart
Schmidt, l’officier traitant de la STASI.
Celui-ci le salue et lui demande :
«
L’interrogatoire s’est-il bien passé mon
Colonel ? »
Der Maulwurf se laisse choir dans son fauteuil et lui répond
:
«
Aucune importance, j’obtiendrai ce que je veux de toute façon.
Dites-moi plutôt comment se passent les amorces de contact avec Crista
Grohmann ? »
Gerhart en agent consciencieux le rassure :
«
Vous vous doutez bien que Madame Grohmann est très inquiète.
Elle a questionné les collègues de son mari à Pankow,
et suivant nos consignes tous lui ont répondu qu’il ne s’était
pas présenté à son poste le jour de sa disparition. Le
standardiste du casernement lui a donné comme nous lui avons ordonné vos
coordonnées en lui précisant que vous étiez la personne à contacter
dans les cas de disparition, elle ne devrait pas tarder à chercher à vous
contacter. »
La taupe satisfait enfonça ses épaules dans le dossier de son
fauteuil :
«
Parfait officier Schmidt ! Vous êtes en bonne voie pour une promotion,
mais attention cette affaire est ‘’confidentiel défense’’,
cela se passe entre vous et moi, s’il y a la moindre fuite de votre part
je serais sans pitié ! M’avez-vous bien compris ? »
L’agent lui confirme aussitôt :
« Bien compris mon Colonel. »
Avant qu’il ne sorte la taupe lui fait un clin d’oeil complice
en lui annonçant :
«
Et bravo pour le photomontage ! C’est vraiment de l’excellent travail. »
L’officier traitant se force à sourire et s’empresse de
quitter les lieux mal à l’aise.
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An 1970 jour 31 BERLIN-EST
Appartement de la famille Grohmann.
Christa
sort des toilettes où elle ne fait que vomir,
quelques heures auparavant elle se trouvait dans le bureau
du Colonel pour la seconde fois. Ce dernier l’avait
convoqué en lui apprenant qu’il savait où était
son mari, mais que la situation était grave et qu’il
ne pouvait en parler au téléphone.
Il l’avait reçue en tête-à-tête
avec des précautions de conspirateur dans un endroit
encore plus triste que d’habitude. Puis il lui a expliqué qu’il était
très déçu de la famille Grohmann.
Que son mari, le lieutenant était actuellement emprisonné pour
haute trahison, sa belle sœur Emma Grohmann en garde à vue
pour le même motif, que son fils était sous
surveillance à cause de ses comportements décadents
et que son club de danse était un repaire de néo-nazis.
Pour convaincre Crista qui n’en croyait pas ses oreilles
il lui avait donné à lire un dossier, en prenant
soin de récupérer chaque document avant de
lui confier le suivant.
En guise de bouquet final il lui avait remis une photo sur
laquelle on distinguait dans une chambre minable un couple
dans une position sans équivoque, les visages des
amants étaient parfaitement visibles, on distinguait
très bien, quoique fatigué et mal rasé Willy
son mari d’une part et Ute Junj une pratiquante de
son club de danse de l’autre!
Crista
qui était loin d’imaginer une telle
situation, avait essayé de demander au Colonel de
tenter un recours, car elle ne croyait pas à cette
histoire. Der maulwurf lui avait répondu qu’il
risquait sa carrière et même plus, en se faisant
l’avocat d’un traître. Qu’il fallait
faire confiance à la justice de son pays.
Et surtout qu’il n’avait aucune raison de se mêler à cette
affaire….
A moins qu’elle ne lui en donne ?
Crista fit mine de n’avoir pas compris, mais au moment de se quitter
il fut plus précis :
«
Voilà ce que je vous propose, sachez que je vais prendre de gros risques.
Je ne vous promets rien. A la lecture attentive du dossier je pense qu’il
est possible de faire quelque chose pour que vous ne soyez pas inquiétée, à condition
que vous ne fréquentiez plus ce club de danse. En ce qui concerne votre
fils, il devrait pouvoir rester en liberté surveillée s’il
ne fait plus d’écarts, il est impératif qu’il se
tienne tranquille. Pour votre mari je vais essayer d’obtenir de bonnes
conditions d’incarcération. C’est à dire, sans traitements
psychiatriques, dans une cellule confortable, avec possibilité de promenades
dans un box à l’air libre et accès à quelques lectures
sélectionnées. Ce qui reviendrait n’en doutez pas, à lui
sauver la vie.
Dans quelques années peut-être, pourrons nous l’échanger
contre un de nos agents retenus à l’Ouest. Du coté de votre
belle sœur je ne peux rien faire ce serait trop compliqué et trop
risqué.
En contre partie, je vous invite dans une semaine en villégiature quelques
jours à Gera ou je possède un chalet. Un peu de repos vous fera
du bien, je pourrais vous rendre compte de mes démarches et nous aurons
tout le loisir de préparer des moyens de protéger ou de défendre
vos proches. J’insiste sur le fait que je prends d’énormes
risques. »
Kurt
Mueller lui laissa quelques jours pour donner une réponse à son
invitation.
A la fin de ce délai Crista, qui avait tenté de
contacter Emma Grohmann appris qu’elle avait disparu.
Et sans aucune autre nouvelle de son mari, n’ayant
pas d’autre alternative accepta.
Conclusions de l’interrogatoire du 31 janvier 1970
Je
soussigné Willy Grohmann ex Lieutenant de L’armée
nationale populaire de la république démocratique
d’Allemagne.
Reconnaît avoir neutralisé les systèmes
de surveillance et détourné l’attention
de mes hommes au poste frontière de Pankow, afin de
favoriser l’exfiltration d’un agent dormant au
service des puissances capitalistes et décadentes
occidentales.
Comme décrit dans le rapport détaillé pièce
n°1.
Reconnaît aussi avoir des contacts fréquents
avec des éléments subversifs et antisocialistes
tels que :
-Ma propre sœur Emma Grohmann qui à profité d’un voyage à l’Ouest,
par le biais d’une compétition de natation, pour rencontrer les
services secrets occidentaux et mettre sur pied un réseau d’échanges
avec ces derniers. En lien avec le délit cité ci-dessus.
Comme décrit dans le rapport détaillé pièce n°2.
-Mlle Ute Junj activiste néo nazie avec laquelle j’entretiens
des relations pornographiques et que j’ai chargé de corrompre
mon épouse par l’intermédiaire de son club de danse.
Comme décrit dans le rapport détaillé pièce n°3.
Je
reconnais aussi avoir donné à mon fils
une éducation réactionnaire et décadente.
Comme décrit dans le rapport détaillé pièce
n°4.
Je
me soumets à la justice révolutionnaire
et demande pardon aux citoyens de RDA pour mes exactions,
et j’autorise les autorités à utiliser
mon autocritique pour informer et instruire le peuple.
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An 1989 le 9 novembre CHUTE DU MUR DE BERLIN
An 1990 jour 35 BERLIN REUNIFIE
Café Mosaik
Franz
trempe ses lèvres dans la mousse d’une
bière occidentale.
Il tâte le long de son mollet la baïonnette qu ‘il
a acheté quelques heures auparavant dans un de ces
innombrables stands improvisés qui garnissent les
nouvelles voies de communication fraîchement ouvertes
entre Berlin Est et Berlin Ouest. On y trouve moyennant des
marks RFA ou des dollars tout l’équipement de
l’ex armée nationale populaire, cela va de la
montre russe, aux casquettes d’officiers en passant
par des lunettes de visée de char, il a même
vu une combinaison de pilote de Mig.
Dans ce Pub, situé en face des bureaux de la Stasi
où il règne, malgré l’heure tardive
une intense activité, probablement due à des
conflits entre ceux qui veulent classer des documents et
ceux qui veulent les détruire, il attend.
Il a un rendez-vous important.
Enfin il aperçoit, par la vitre, celui qu’il
guettait, sortir de l’immeuble d’en face. Il
laisse sur la table de quoi régler sa consommation
et le suit à bonne distance.
Le personnage dans la pénombre, se dirige en louvoyant
entre les dépôts de vieux meubles et équipements
ringards abandonnés là par les ex Berlinois
de l’est, en direction d’une petite place où sont
garés plusieurs véhicules.
Franz le laisse s’installer dans sa voiture, il sait
qu’il n’ira pas loin parce qu’il a crevé deux
de ses pneus.
L’individu démarre, tente sans succès
une manœuvre et sort de son véhicule pour regarder
ses roues.
A ce moment Franz est arrivé à sa hauteur et
tient fermement son arme qu’il dissimule derrière
sa cuisse, l’homme se retourne vers lui et constate
:
«
Je suis crevé ! »
Franz lui répond :
« Vous ne croyez pas si bien dire ! »
Et lui enfonce la lame dans le bas ventre en remontant, puis
il retient sa victime dans sa chute tout en gardant la main
sur le manche de l’arme enfoncée jusqu’à la
garde.
Il s’agenouille à coté de Kurt Mueller, et prend soin de
me pas bouger l’arme pour ne pas accélérer l’hémorragie.
L’ex colonel le regarde surpris et ouvre la bouche mais aucun son n’en
sort. Franz lui explique :
«
Ce que je suis en train de vous faire n’est rien en regard de ce que
vous avez fait subir à ma famille. Je vais retirer la lame et vous allez
mourir… Trop vite à mon goût, mais avant, je dois me présenter,
je suis Franz Grohmann, fils de Willy et de Crista Grohmann. Bon voyage en
enfer Colonel ! »
Ensuite il retire prestement la lame et s’enfuit dans la nuit.
Dans un brouillard de sang der Maulwurf regarde s’approcher un jeune
homme chauve, uniquement vêtu d’un T-shirt kaki et d’un treillis
militaire. Il se penche sur lui et murmure :
« It’s to late Colonel.
Sorry ! »
Puis s’en va.
C’est la dernière image que Kurt Mueller emporte de ce monde.
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SECONDE
PARTIE : L’UNION DES REPUBLIQUES SOCIALISTES MONDIALES.
Où Der Maulwurf fait connaissance avec le meilleur des mondes communiste.
Et retrouve un étrange personnage qu’il a déjà rencontré à cause
des inévitables petites interférences causées par les
manipulations de l’espace temps.
« LA
LOGIQUE DE L’HISTOIRE VOULAIT QUE PLUS LE REGIME
DEVENAIT STABLE, PLUS IL DEVAIT SE FAIRE RIGIDE AFIN D’EMPECHER
LES IMMENSES FORCES DYNAMIQUES LIBEREES PAR LA REVOLUTION
DE SE RETOURNER SUR ELLES MEMES ET DE LE FAIRE ECLATER
EN MILLE MORCEAUX. »
ARTHUR KOESTLER
Univers virtuel dit : L’union des républiques socialistes mondiales.
Responsable de la modélisation le Petit Prince.
Quelque
part dans les limbes, au-delà du temps et de l’espace.
Sa peau se réchauffe, et c’est comme s’il se trouvait sur
une plage du sud et sentait les rayons du soleil. Il flotte sur rien. Il ne
voit rien. Des sons lui parviennent distordus et faibles comme lorsqu’on
cherchait la bonne longueur d’onde sur un vieux poste de radio ou parfois
comme ceux d’un magnétophone qui ralentit ou accélère.
Il prend lentement conscience de la gravité et retrouve la sensation
de ses membres, ses extrémités fourmillent. Une lueur apparaît
progressivement, un point lumineux qui grossit jusqu’à l’engloutir
totalement.
Des voix, il entend faiblement des voix qui parlent en russe.
La vue lui revient, il se trouve en sustentation dans un tube et avance lentement
vers la sortie les pieds en avant.
Puis les voix parlent en Allemand, l’une d’elles plus forte et
plus proche annonce :
« Il retrouve ses esprits, que l’on aille chercher Little-Prince
! »
Des femmes en tenues claires s’affairent autour de lui et désinstallent
des accessoires complexes.
Il se redresse de la couche où on l’a placé et constate
qu’il se trouve dans une immense salle voûtée, le sol est
constitué d’une multitude de box séparés par des
parois translucides, des machines survolent le tout en bruissant faiblement,
parfois elles s’arrêtent au dessus d’un alité dans
un box et se livrent à des tâches mystérieuses avant de
repartir comme de grosses abeilles métalliques.
Kurt Mueller lève ensuite la tête et à l’extérieur
de la voûte transparente, assiste au décollage d’une énorme
fusée poussée par huit propulseurs qui vomissent flammes et fumées.
Une voix le tire de ses contemplations :
« Hello ! »
Le Colonel tourne la tête surpris. Un jeune homme en uniforme de lieutenant
de l’armée rouge se trouve à coté de lui. Celui-ci
lui fait un salut militaire impeccable et poursuit :
« Excusez-moi Colonel je devrais plutôt dire ‘’Guten
Tag’’, ne soyez pas choqué, aujourd’hui les anglicismes
sont à la mode nous utilisons cette langue morte pour faire des plaisanteries
surtout entre soldats.
Je me présente Lieutenant Little-Prince, chargé par l’Union
des Républiques Socialistes Mondiales de vous accueillir dans votre
nouvelle vie. »
Der Maulwurf balbutie :
« Où sommes-nous ? Que m’est-il arrivé ? »
Le jeune homme lui fait un signe apaisant de la main :
« Attendez-vous à une surprise, mon colonel, nous sommes à Berlin
mais en 3025 ! »
==>
Suite
de Der
Maulwurf <==