Der Maulwurf
(la taupe)
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Kurt
Mueller n’avait jamais envisagé une vie après
la vie et ce que lui expliquait le jeune Lieutenant chargé de
son acclimatation était incroyable ! Incroyable
mais logique.
Contrairement à ce
qu’il craignait, après la chute du mur de
Berlin peu avant sa mort, ce ne sont pas les puissances
capitalistes entraînées par les USA qui ont
gagné la partie à long terme.
Bien sur dans les décennies qui ont suivi la réunification de
l’Allemagne, l’idéologie communiste s’est effondrée,
dans tous les pays de l’Est on s’est empressé de faire tomber
les statues de Staline et ce fut la grande récréation.
Mais rapidement les peuples ont déchanté au lieu de la société d’abondance
et de liberté qu’ils attendaient, ils n’ont trouvé que
déliquescence et désorganisation totale de la société.
La grande braderie des richesses de l’Est à commencé, à l’instar
de ce qu’il avait connu à Berlin. Mais cette fois ci ce ne sont
pas des montres ou des casques de soldats qui ont été vendus
mais les usines, le pétrole, le plutonium, les avions, les chars et
les femmes sur bords les routes des pays occidentaux.
Pour finir ce sont des mafias très riches et très puissantes
qui ont pris le pouvoir.
Ce qui a fait dire aux peuples de l’Est :
« Nous avions le socialisme sans le social, maintenant nous avons le capitalisme
sans les capitaux ! »
Cette situation n’a pas profité aux pays de l’Ouest dévorés
par un monstre qu’ils avaient créé
Mais que personne ne maîtrisait, la mondialisation de l’économie
libérale.
Les richesses de ces pays disparaissaient d’une manière plus subtile
mais non moins inexorable.
En quelques décennies, le travail se déplaça des pays
où le niveau de vie était élevé vers les travailleurs
des pays pauvres.
Résultat chômage et récession des pays riches d’un
coté. Sans que pour autant ce transfert d’activité ne profite
aux pays pauvres sous-payés, exploités, pillés, pollués.
Les ex pays riches durent s’aligner pour survivre et furent pillés
exploités et pollués.
Les richesses créées furent transférées et transformées
en impulsions électromagnétiques dans les computeurs des paradis
fiscaux, c’est à dire en rien !
Quand les bas de laine des pays développés furent vides, il ne
restait que des ex pays riches devenus pauvres et des pays pauvres restés
pauvres.
Une troisième voie se présenta naturellement suite à la
crise mondiale qui s’ensuivit.
Sur ces ruines morales, ce fut l’explosion de l’Islam extrémiste.
Cette déferlante ne connaissait pas de frontières ni à l’Est
ni à l’Ouest elle surgit au cœur des états. Trop de
gens n’avaient plus rien à perdre.
Comme les désespérés avaient pris la mauvaise habitude
de faire exploser les banques et les places boursières avec l’assentiment
des opinions publiques.
Les mafias de l’Est et les consortiums économiques de l’Ouest
réagirent. Ils s’allièrent pour organiser les nouvelles
croisades, et beaucoup d’argent ressortit des coffres pour armer les églises
Catholiques intégristes, qui avaient poussé comme des champignons,
par réaction.
La troisième guerre mondiale pouvait commencer.
En l’an 3000 !
Nostradamus s’était trompé d’un millénaire
!
Ce fut une guerre encore plus effroyable que les deux autres, il n’y
avait pas de front, pas de points cardinaux, pas de pays, les civils s’entretuèrent,
les croyants s’entretuèrent, les voisins s’entretuèrent.
Quelques milliards de morts plus tard, on fit comme d’habitude, on se
jura que c’était la dernière fois, la der des ders, tout
le monde était redevenu fraternel, tout le monde voulait rebâtir
et il fallait trouver une nouvelle voie car les survivants ne voulaient plus
entendre parler ni de religion ni d’économie libérale.
Le communisme était redevenu le régime idéal !
D’où l’émergence
rapide de :
L’UNION DES REPUBLIQUES SOCIALISTES MONDIALES.
Elaborée lors de la conférence de Moscou le 20 juin 3010.
Votée à une écrasante majorité des nations le 18
octobre de la même année.
Little-Prince
termina son exposé :
« Et depuis un peu plus d’un siècle ce système fonctionne à la
satisfaction générale.
Nous allons pouvoir commencer les visites.
Il est prévu pour demain de se rendre dans les kolkhozes de la nouvelle
Ukraine qui se situait à votre époque dans le middle Ouest des
Etats Unis d’amérique. »
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An
3112 jour 35 Nouvelle Ukraine
Après
une longue mais intéressante visite, Kurt Mueller
et son guide de retrouvent en tête-à-tête
dans un curieux restaurant.
Le Colonel silencieux se remémore sa journée, il revoit les immenses
champs de maïs et de céréales moissonnés par des
machines modulaires, les collecteurs volants dans un ballet parfaitement réglé aller
de l’une à l’autre pour prélever leurs récoltes,
puis se rendre à l’unité de transformation et de conditionnement.
Dans une de ces unités on lui a fait goûter des pains et des biscuits
fraîchement préparés avec la récolte du moment.
Il a vu aussi les transporteurs s’envoler dans toutes les directions
pour distribuer dans toute la planète ces denrées.
Puis il a été accueilli dans la ville fleurie et décorée
pour l’occasion, par les enfants qui lui ont chanté des hymnes à la
gloire du parti et du père du peuple.
Little-Prince le voyant dubitatif devant son gobelet de Coca Cola juge bon
de lui fournir quelques explications :
« Les experts du parti n’ont pas considéré la production
et la consommation de ce breuvage subversive, de même que l’existence
de ces restaurants anciennement nommés ‘’Fast-food ‘’ et
rebaptisés cantines populaires. »
A cet instant une agitation se produit du coté de l’entrée,
deux hommes en combinaisons bleu marine font irruption dans la salle. Kurt
remarque à l’extérieur un véhicule noir stationné devant
le restaurant. Et bien qu’il n’ait jamais vu ce type d’engins
il devine qu’il s’agit de militaires ou de policiers.
Les deux personnages inquiétants se dirigent droit vers leur table tandis
que tout le monde, consommateurs et employés sortent sans bousculade
mais rapidement et sans un mot.
Son guide pose sa main sur son avant-bras dans un geste d’apaisement,
extrait un badge de sa poche qu’il montre en se levant pour aller à la
rencontre des deux hommes.
Maintenant qu’il les distingue parfaitement, le colonel remarque une
chose étrange ces individus sont des jumeaux parfaits, leurs visages
lui font penser à ceux qu’il voyait dans les statues ou les fresques à la
gloire des héros du communisme !
Un bref échange de paroles a lieu, un des hommes place le badge dans
un petit appareil qu’il examine,le rends ensuite, puis après un échange
de salut militaire Little-Prince regagne la table tandis que les jumeaux sombres
se dirigent vers la sortie.
Kurt Mueller attend que son compagnon se soit assis et le questionne :
« Que s’est-il passé ? »
Celui-ci tente de le rassurer :
« Rien de grave, le serveur m’a entendu prononcer les mots ‘’fast-food
et subversive’’ il a donc comme tout citoyen modèle prévenu
la sécurité. Celle-ci à tenté de nous réécouter
par le biais des micro caméras enregistreuses du restaurant ce qui n’a
rien donné vu que je suis muni d’un brouilleur…. en toute
légalité, je vous rassure, ceci justement pour éviter ce
type d’incidents.
En effet dans mes explications et dans nos conversations nous sommes amenés à évoquer
des faits historiques ou utiliser des mots du passé ou des termes devenus
aujourd’hui interdits car menaçant la sécurité intérieure.
C’est pourquoi on m’a muni de cet appareil afin que l’on
ne se fasse pas arrêter à chaque coin de rue. J’ai donc
rassuré les membres de la police politique en leur montrant mon ordre
de mission. »
Der Maulwurf un peu estomaqué remarque :
« Vous voulez dire que nous sommes filmés et écoutés
partout et en permanence ? »
Le jeune homme acquiesce :
« Bien sur, c’est très facile avec la technologie actuelle,
regardez. »
Pour illustrer son propos, il sort de sa poche ce que Kurt croyait être
un stylo, le pose sur la table et dit :
« Projection p j = 1 t = -0.5. »
Une vingtaine de centimètres au-dessus de l’objet une surface
lumineuse rectangulaire se matérialise et Le colonel y voit et entend
la scène de l’arrivée de la police dans le restaurant.
Son guide annonce :
« Stop. »
L’image disparaît et le stylo est remis en pochette.
Le colonel regarde le capuchon qui dépasse en imaginant un oeil qui
le regarde et une oreille qui l’écoute. Il observe aussi les plafonds
en vain, autant chercher une aiguille dans une meule de foin !
Le lieutenant l’observe et déclare :
« Je vois que vous appréciez en tant que spécialiste notre
technologie de surveillance. Il faut reconnaître que l’expérience
et le savoir faire pratiqué par la Stazi dans l’ex-RDA nous a beaucoup
servi ! »
Kurt s’étonne :
« Mais aujourd’hui il n’y a plus d’ennemis ! Le parti
est partout. Qui oserait s’attaquer à l’état ? »
Son vis-à-vis lui rétorque :
« Détrompez-vous ! Les ennemis du progrès et les forces contre-révolutionnaires
existent toujours et de manière sournoise.
Le peuple n’a plus faim, ne manque de rien grâce aux nouvelles
technologies, les machines font le travail, mais le parti doit rester vigilant
pour éviter la décadence. C’est aujourd’hui la tache
prioritaire qui doit mobiliser toutes les énergies qui ne sont plus
dépensées pour produire. »
Der Maulwurf demande:
« Quels sont les effectifs de la police politique ? »
Il lui est répondu :
« Environ la moitié de la population fait partie des collaborateurs
officiels. »
« Et les collaborateurs inofficiels ? »
Laisse-t-il échapper avec effroi !
« Pratiquement le reste de la population, car il est conseillé de
dénoncer quelqu’un de temps en temps pour faire preuve de civisme. »
Kurt a envie de s’exclamer :
« Vous voulez dire que l’ensemble de la population passe son temps à s’espionner
mutuellement, avec obligation de délation ! »
Mais son regard croise celui du stylo et il garde sa remarque pour lui, pas
par prudence. Une autre question le taraude et il change de sujet :
« Vous avez remarqué, les policiers étaient des jumeaux ? »
Son guide précise :
« En réalité ce ne sont pas des jumeaux, ils sont munis d’un
masque holographique qui dissimule leurs visages sous une apparence standard.
C’est pour leur sécurité.
Je crois que nous allons maintenant rentrer à notre hôtel, la
journée à été longue, et il faut être en
forme pour demain. »
En sortant de la cantine populaire son compagnon s’acquitta des repas
en donnant deux tickets.
Le colonel se demanda si l’argent existait toujours sur ce monde.
Il remarqua aussi, lors de leur sortie, l’embarras profond du responsable
des lieux qui devait probablement se préparer à une sanction
pour sa dénonciation ratée.
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An
3112 jour 36 Nouvelle Corée Unifiée
Kurt
Mueller à l’issue d’une autre journée
riche en manifestations populaires se retrouve à nouveau
seul avec son guide.
Little-Prince ayant obtenu pour eux, l’autorisation de se joindre à un
cortège officiel d’un haut dignitaire du parti en déplacement
dans cette région. Les deux hommes purent donc bénéficier
des même attentions.
Le Colonel, la tête encore pleine des chants joyeux à la gloire
des travailleurs et du parti, ainsi que des déploiements de multitudes
de dominos colorés humains, constituants des fresques changeantes et
démesurées, échange ses impressions avec son jeune compagnon.
Puis voulant aborder une question ’’à risques’’,
il demande :
« Pouvons nous parler librement ? »
Son guide le rassure aussitôt :
« Bien sur ! Vous vous souvenez, le brouilleur.
Qu’est-ce qui vous chagrine ? »
Kurt se lance :
« J’ai remarqué un peu partout lors de nos voyages de grands
bâtiments blancs, entourés d’une sorte de ’’no
man’s land ’’ et de curieux pylônes à chaque angle.
De quoi s’agit-il ? »
Little-Prince sourit et précise :
« Bravo colonel, même après un millénaire perdu dans
le néant, un pro reste un pro ! Il s’agit, comme vous l’avez
deviné, d’hôpitaux psychiatriques ou de centres de rééducation.
Des visites sont prévues et bien plus encore. L’union des républiques
socialistes mondiales vous a régénéré pour que vous
puissiez encore servir le régime avec le même zèle. Une formation
technique sera nécessaire, mais pour ce qui a trait au facteur humain
c’est vous qui nous aiderez. Vous savez les nouvelles générations
se sont ramollies et en pratique vous pourrez leur en montrer. »
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An
3114 jour 69 Centre de rééducation de Liverpool.
Salle de conférence.
Little-Prince
promu directeur de centre de rééducation,
termine une formation d’officiers infirmiers rééducateurs
:
« Je résume.
Sur la base des Procédures opérationnelles N°1 et N°2
(Renseignement, surveillance, filatures, écoutes, fouilles de domiciles)
Vous n’aurez que l’embarras du choix entre les enregistrements
que vous pouvez falsifier si nécessaire, les témoignages des
proches qui sont très efficaces pour déstabiliser la cible ou à défaut
des témoignages de voisins, et s’il le faut des faux témoignages,
pour préparer votre dossier.
Vous appliquez ensuite la Procédure opérationnelle N°3 (Arrestation
discrète, mise au secret, interrogatoire )
Ne commencez pas les interrogatoires trop tôt, laissez la cible quelques
jours sans contacts elle n’en sera que plus coopérative.
Enfin vous terminerez par la Procédure opérationnelle N°4,
lorsque je pratiquais à Berlin dans les années 1960 à 1990,
elle était synonyme de( Détention ou disparition )
Aujourd’hui la peine de mort est supprimée et la détention
se pratique en hôpital psychiatrique, selon la gravité du cas,
le prévenu s’en sortira moyennant des aveux publics suivis d’un
traitement en hôpital psychiatrique et si cela ne suffit pas, ses tendances
asociales seront extirpées par la neurochirurgie.
J’en ai terminé, je vous souhaite une longue carrière au
service de l’URSM. »
Tandis que son auditoire quitte calmement l’amphithéâtre,
Der Maulwurf songe à la suppression de la peine de mort, il se demande
si elle n’était pas préférable à la fabrication
de zombies qui se pratique quotidiennement dans les murs qu’il administre.
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An
3115 jour 167 Centre de rééducation de Liverpool.
Bureau du directeur Kurt Mueller
Le
directeur Kurt Mueller est complètement déstabilisé par
nouveau dossier qui vient de lui parvenir, et qu’il
doit traiter !
Son écran est saturé de sigles clignotants, « Priorité 1 », « Ultra
confidentiel », « Procédure exceptionnelle » etc…
Il a reçu un choc en regardant la vidéo d’identification
de son nouveau locataire.
Il a reconnu formellement l’homme nu scanné sous tous les angles,
Willy Grohmann !
Fébrilement il a cherché dans le volumineux dossier un nom sans
en trouver.
Partout le prévenu est identifié sous l’étiquette
n°23 ?
Un petit bourdonnement lui indique la venue d’un visiteur.
Il autorise l’ouverture de sa porte et Little-Prince entre dans son bureau
:
Celui s’annonce et lui fait une sorte de révérence assortie
d’un clin d’œil :
« Bonjour monsieur le directeur ! »
Der Maulwurf un peu excédé lui répond :
« Je n’ai pas le cœur à la plaisanterie, pouvez-vous
jeter un œil à ce dossier et me dire ce que vous en pensez, et surtout
pourquoi le nom de cet homme n’est cité nul part ? »
Son ancien guide s’installe commence à lire et s’interrompt:
« Je ne suis pas autorisé à regarder ce document. »
Il lui rend rapidement le dossier se lève et s’excuse :
« Sorry ! Je dois m’absenter, vous devez traiter ce problème
seul, faites attention à vous monsieur le directeur. »
A son grand étonnement, jeune homme lui tend la main afin de lui dire
au revoir, chose qui ne s’était jamais produite auparavant. Kurt
en fait de même et comprend, Little-Prince lui transmet secrètement
un petit Bristol par l’intermédiaire de ce subterfuge.
Der Maulwurf le glisse discrètement dans sa poche et regarde sortir
son invité.
Puis il se prend le menton, autre chose le chagrine, son visiteur s’est
excusé en disant « Sorry ! »
Cela lui rappelle un autre jeune homme dans une autre vie, même voix,
même intonation !
Quelques
heures plus tard, le directeur dans son appartement, sort
discrètement le message de sa poche tout en le masquant
de sa main, puis s’efforçant d’avoir
une attitude naturelle choisit un livre dans sa bibliothèque,
glisse l’objet à l’intérieur
et faisant mine de regarder le contenu du livre peut enfin
le lire.
Il y est inscrit :
« A 20 h je prends mon repas au mess des officiers. »
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An
3115 jour 167 20h Centre de rééducation de
Liverpool.
Mess des officiers.
Kurt
Mueller franchit l’entrée du mess et cherche
du regard la seule personne avec qui il a pu avoir des échanges
non conformes dans ce système qu’il qualifierait
de lobotomisé.
Savoir que tout le monde surveille tout le monde, que partout peuvent se dissimuler
des micros et des caméras devient une oppression permanente.
Les rencontres avec Little-Prince étaient ses seuls moments de relâchement.
Mais maintenant cette petite fenêtre vient de se fermer, il se demande
si le jeune homme n’est pas un outil encore plus subtil du régime
pour le tester ou le pousser à la faute.
De plus l’irruption de Willy Grohmann dans sa nouvelle vie réveille
des souvenirs dont il n’est pas fier.
Que va-t-il se passer lors de la confrontation, s’il raconte comment
lui, la taupe, a détourné le système à des fins
personnelles que vont penser les autorités en place ?
Vont-elles considérer que c’est du passé et sans importance
ou au contraire vont-elles juger qu’il n’est pas fiable et dans
ce cas que va-t-il devenir ?
« Heureusement pour l’instant je suis du bon coté de la barrière. » Pense-t-il. « Du
coté des bourreaux et non des accusés. »
Il voit un bras se lever, son ancien guide lui fait signe de rejoindre une
table à deux places où il est seul.
Le directeur observe les lieux, l’endroit semble bien choisit sombre
et bruyant pour perturber les éventuelles caméras et micros.
Il rejoint la table et prend place.
Little-Prince lui annonce aussitôt :
« Je me suis muni du brouilleur, nous pouvons parler librement. »
Kurt n’en est pas totalement persuadé mais il n’a pas le
choix.
Le jeune homme poursuit :
« En ce qui concerne le dossier que vous avez à traiter, je ne vais
pas vous être d’une grande utilité. Cependant avec l’expérience
que j’ai acquise en côtoyant les grands de ce monde je peux vous
donner quelques infos et quelques conseils. »
Der Maulwurf lui demande:
« Connaissez-vous le prisonnier ? »
Après une longue réflexion Little-Prince lui déclare:
« J’ai vu qu’il s’agissait du n° 23.Je ne peux pas
vous dire son nom, d’ailleurs à ce niveau çà n’a
aucune importance, les dirigeants n’ont plus de nom à partir du
n°30 !
On les nomme les trente premiers. Numéro 1, numéro 2, numéro
3, etc.…
N° 23 çà signifie qu’il est le 23 ème dirigeant
du parti ou si vous préférez du monde, par ordre hiérarchique,
c’est un gros poisson. »
Le directeur réfléchit :
« Quelqu’un comme moi, venu du passé peut-il devenir dirigeant
? »
Son informateur acquiesce :
« Bien entendu ! Dans notre système 99,999% des individus viennent
d’une autre époque. Et recommencent une autre vie.»
Der Maulwurf change de sujet :
« Et comment un n°23 peut-il se trouver dans cette situation, incarcéré,
accusé ? »
Le jeune homme sourit :
« C’est très fréquent, quand on n’est pas n°1,
on n’a pas droit à l’erreur. Et cela ne suffit pas il ne faut
pas non plus donner l’impression à ses n + 1 que l’on pourrait
leur faire de l’ombre, les dépasser, donc il ne faut pas non plus
paraître trop intelligent.
On peut aussi se trouver pris en otage dans une lutte entre son n+1 et n+2
! Ce sont des exercices d’équilibriste très délicats
et nombreux sont ceux qui tombent.
Ajoutez à tout ceci que le n°1 aime bien faire le ménage
autour de lui, pour rester en place et calmer les ardeurs de ses futurs successeurs…. »
Puis il conclut d’un clin d’œil en se penchant vers lui :
« Mais il faut être positif, si vous menez à bien cette mission,
vous ferez un bond dans la hiérarchie »
Kurt remarque pendant que son vis à vis s’incline pour lui donner
ce conseil, un reflet métallique dans son encolure.
Il réprime un sursaut, et une bouffée d’angoisse lui retourne
l’estomac.
Il a reconnu la chaîne métallique que portait un jeune homme chauve
dans une autre vie !
Pendant que le Lieutenant continue à lui parler des luttes de pouvoir,
il le détaille et se demande pourquoi il ne l’a pas reconnu plus
tôt, il en est persuadé, c’est le même homme
un peu plus âgé et coiffé court.
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An
3115 jour 188 Centre de rééducation de Liverpool
Bloc d’interrogatoires.
Der
Maulwurf à choisi pour ce premier contact, le bloc
dit ’’Impersonnel’’.
Il s’agit d’une cellule totalement blanche sans ouvertures apparentes
dans laquelle Willy Grohmann est installé immobilisé, appareillé.
Des capteurs surveillent toutes les réactions de son organisme, transpiration,
pulsations cardiaques, productions d’hormones, activité cérébrale,
clignements d’yeux et une foule d’autres paramètres utiles,
analysés par un computeur.
Dans une pièce adjacente un pupitre de commandes permet à la
taupe d’interroger le prévenu en transformant sa voix, le voir
sans être vu, et consulter en permanence l’analyse de ses réactions.
Kurt commence l’interrogatoire, sa voix déformée, métallique
annonce :
« Bonjour n°23 ! »
L’homme immobilisé répond aussitôt :
« Bonjour… Au fait à qui ais-je l’honneur ? »
Et avant que le directeur réponde ajoute :
« Excusez-moi, je viens de poser une question stupide, vous n’auriez
pas pris toutes ces précautions et déguisé votre voix si
vous aviez l’intention de vous faire connaître. J’en conclus
que nous nous sommes déjà rencontrés monsieur X et j’en
déduit aussi que vous voyez un inconvénient à ce que je
vous reconnaisse !
Auriez-vous quelque chose à vous reprocher que je pourrais révéler
? »
Der Maulwurf est estomaqué, les indicateurs lui révèlent
que le sujet ne ressent aucune inquiétude, il est parfaitement serein,
au top de ses capacités !
L’ex lieutenant de la RDA n’est plus le jeune homme timide et obéissant
qu’il a brisé autrefois, son séjour dans l’URSM et
sa position de n°23 lui ont donné de l’assurance.
Il faut le déstabiliser, reprendre l’avantage !
Il décide de lui envoyer une bonne décharge électrique
entre les oreilles.
Willy Grohmann est agité de secousses, s’arc-boute puis retombe
transpirant dans sa position assis couché.
La taupe consulte ensuite son pupitre.
Le rapport lui indique que le sujet est en phase de récupération
suite à la souffrance physique mais qu’il a conservé toutes
ses facultés mentales et que sa sérénité n’est
pas ébranlée.
Puis il attend une réaction….Qui ne vient pas !
Il tente un nouveau contact :
« Je peux augmenter la dose et changer d’endroit s’il le faut,
que pensez-vous des testicules ? »
L’homme immobilisé fait remarquer :
« Vous ne faites pas partie de ce monde depuis longtemps, monsieurX. Vous
n’avez pas une longue expérience des interrogatoires, surtout en
ce qui concerne quelqu’un de mon niveau. Vous commettez des erreurs. Me
permettez-vous de vous donner quelques conseils ? »
Le directeur réprouve son premier mouvement vers la commande de torture électrique
et réfléchit :
« Cela ne m’engage à rien d’écouter ses conseils
et puis de lui envoyer ensuite la décharge. »
« Je vous écoute, je suis là pour çà. »
Le n°23 lui annonce :
« Premièrement, je suis entraîné pour résister à la
torture, je peux résister jusqu’au seuil d’irréversibilité autrement
dit la mort ou la folie. Et je préfère la mort à la décervelisation
qui m’est destinée si vous arrivez à vos fins. Donc c’est
une impasse pour vous, comment expliquerez-vous la destruction d’un outil
politique, qu’elle soit physique ou mentale sans résultat exploitable à vos
supérieurs ?
Deuxièmement, la torture physique est un moyen pratiqué par les
rustres, qui n’est pratiquement plus utilisée aujourd’hui.
Vous y avez soumis un n°23, ceci va vous diminuer aux yeux des trente premiers.
Ils vont penser qu’un jour peut-être, ils seront entre vos mains
et….
Vous savez que la torture mentale est bien plus efficace.
Troisièmement la partie se joue ailleurs, vous devez trouver des arguments
politiques qui vont dans le sens préconisé par le n°22, me
discréditer, prouver qu’il a été clairvoyant en
me retirant du circuit, vous devez faire preuve d’imagination, les inventer à partir
de vos dossiers et de ce que je pourrais vous dire.
Réfléchissez-y, et vous admettrez que cela ne sert à rien
de vous défouler puérilement sur ma carcasse. »
Seconde douche froide pour le directeur, sa main s’éloigne de
la commande de la torture électrique. Tout ce qu’il vient d’entendre
est d’une logique implacable. Une question lui vient à l’esprit,
il la formule à son interlocuteur :
« Tout cela est bien joli, mais quel intérêt avez-vous à me
donner ces conseils ? »
Le prisonnier lui répond :
« Tout d’abord que vous arrêtiez de m’envoyer inutilement
des milliers de volts ou autres fantaisies à travers le corps, même
si je suis entraîné c’est très désagréable.
Ensuite je préfère que notre affrontement se fasse à un
autre niveau plus subtil.
La partie ne fait que commencer, je suis un des trente premiers et j’en
ai vu bien d’autre pour arriver à cette position.
Apparemment la situation est en ma défaveur, apparemment je suis à votre
merci, ……apparemment.
Mais j’ai des cartes en main, une grande expérience du système,
et…. vos maladresses, j’ai bon espoir. »
En entendant ces mots Der Maulwurf perd son sang froid et actionne la commande
de torture.
Willy Grohmann s’arc-boute à nouveau et retombe sans connaissance
sur son siège couchette.
Kurt Mueller passe un ordre :
« Remettez-le en cellule ? »
Puis il se lève et quitte les lieux furieux.
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An
3115 jour 189 Centre de rééducation de Liverpool
Bureau du directeur
Little-Prince
suite à l’invitation du directeur entre dans
son bureau. Puis il sort de sa poche le brouilleur et montre à Kurt
Mueller qu’il est activé.
En s’asseyant il précise :
« Il va falloir que l’on trouve un autre moyen pour communiquer,
bientôt le brouilleur va m’être retiré, en haut lieu
on pense que votre phase d’acclimatation est terminée et l’usage
de cet appareil commence à devenir suspect. Je dois rendre des comptes
et faire preuve d’imagination à chaque utilisation.
Ceci dit quel est votre problème ? »
Der Maulwurf active son écran afin qu’il ait accès au compte-rendu
de son premier interrogatoire du n°23 , et lui demande :
« Qu’en pensez-vous ? »
Le jeune homme étudie consciencieusement le rapport tout en faisant épisodiquement
des grimaces. Puis il se prend le menton et réfléchit quelques
minutes avant de répondre :
« Monsieur le directeur, c’est la dernière fois que je vous
rends service, cela devient trop dangereux pour moi. »
Cette réaction ébranle Kurt déjà très inquiété par
les mimiques de son ex guide lors de la lecture de son rapport :
« Pourquoi cette réaction ? Qu’avez-vous vu dans ce compte
rendu ? »
Little-Prince le regarde dans les yeux :
« Je vais être franc. Je ne pense pas que vous serez à la
hauteur de cette mission.
C’est très mal engagé, vous allez vous brûler les
ailes et je risque de brûler avec vous. Si je continue à vous
rencontrer ainsi. »
La taupe insiste :
« Dites-moi ce qui ne va pas ! Quelle erreur ais-je commise ? »
Son ex guide soupire et précise :
« C’est lui qui a pris la main, il est très fort, il vous
ballade. »
puis après un blanc il poursuit comme pour lui-même :
« Il est vrai qu’il n’a rien à perdre….mais quand
même, vous provoquer ainsi au risque de sa vie. »
Kurt l’interrompt :
« Soyez plus précis ! »
Le jeune homme le regarde à nouveau :
« Je vais vous dire, et retenez bien tout car c’est la dernière
fois, je vous le rappelle.
Première erreur pourquoi ne pas l’interroger de visu? Vous êtes
sensé en faire une marionnette et vous vous cachez comme si vous en
aviez peur ?
A moins qu’il n’ait raison et que vous vous connaissiez..
Le connaissez-vous ? »
La taupe embarrassée balbutie :
« Non. »
Little-Prince continue :
« Deuxième erreur la torture d’entrée de jeu, il a
entièrement raison sur son utilisation, si vous le tuez vous avez perdu,
il sera inutilisable.
D’ailleurs attendez-vous à des remontrances en haut lieu à ce
sujet. »
Der Maulwurf s’étonne :
« Mais il m’a dit qu’il ne préférait pas être
torturé et plutôt m’affronter sur un autre terrain intellectuel. »
Le jeune homme lui fait observer :
« Il vous a poussé à la faute, c’est à vous
de prendre l’initiative, c’est à vous de faire des constatations,
c’est à vous de faire des affirmations, c’est à vous
de travestir la réalité, vous en savez plus sur lui avec vos dossiers
que lui sur vous !
C’est une partie de poker menteur. Il vous bluffe. Ressaisissez-vous
!
Sur ce, je dois vous abandonner, j’en ai déjà trop fait
et trop dit, nous sommes dans un monde parfait, parfait mais cruel. »
Little-Prince se lève
« Je vous dis adieu Kurt, et méditez sur cet adage ’’It
is not possible to imprison the spirit’’
Ce sera votre challenge. »
Puis son ex guide disparaît. Et cette phrase déclenche chez Kurt
Mueller un flash-back il se revoit en 1970 à Berlin Est tenant dans
sa main le même message laissé par un étrange et insaisissable
jeune homme chauve ! Qui se concluait par ‘’Good way to hell’’
Et il se demande s’il n’est pas déjà en enfer!
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An
3115 jour 192 Centre de rééducation de Liverpool
Bloc d’interrogatoires.
Der
Maulwurf n’a pas eu le courage d’affronter
son adversaire à visage découvert. Il n’a
pas envie de tenir compte des conseils de Little-Prince
au sujet duquel il n’a plus aucun doute.
Il est persuadé maintenant, suite à la dernière conversation
qu’ils ont eue, qu’il s’agit du même jeune homme insaisissable
qui le provoquait dans les années 1970 à Berlin Est.
La taupe se sent piégée au centre d’une énorme machination
et en déduit qu’elle ne peut compter que sur elle même.
En conséquence, Willy Grohmann a été installé et
préparé dans le bloc ’’Impersonnel’’ comme
dans le premier interrogatoire.
Tous les paramètres indiquent que le sujet est toujours aussi détendu,
ce qui agace énormément le directeur. Il a le sentiment avant
même que la ’’partie’’ ne soit engagée,
que son adversaire a déjà l’avantage.
Par l’intermédiaire de la machinerie et avec la voix synthétique
il dit :
« Bonjour n°23 ! »
En imitant la voix métallique le prévenu répond :
« Bonjour Monsieur X ! »
Le doigt de Kurt a un mouvement vers la commande de torture, mais il le réprime.
Il se souvient des conseils de Little-Prince et aussi du message qu’il
a reçu lui précisant qu’il ne fallait pas endommager le
matériel de propagande, en l’occurrence le corps et l’esprit
de Willy Grohmann.
Il change son angle d’attaque :
« Alors ex n° 23, on se passionne pour la culture. On veut que les
masses populaires puissent pratiquer entre autres la peinture, la sculpture et
même le théâtre! Chacun sait que ces activités sont
le germe de la subversion et le début de la décadence !
En 1968 les gens criaient ’’l’imagination au pouvoir’’,
c’est ce que vous voulez ?»
La réponse lui revient :
« Vous avez fait des progrès monsieur X, je m’étais
préparé à une décharge électrique en guise
de préliminaires, et voilà que vous me posez une question sensée.
Vous avez fait en deux jours ce que l’humanité a mis plusieurs
millénaires à réaliser, je veux dire passer de l’homme
préhistorique à l’homme civilisé.
Je ne vais pas tarder à m’inquiéter. »
Le directeur se retient à nouveau et menace :
« J’ai toujours la main à proximité de la commande,
et je me fous des usages, ici c’est moi qui décide. »
puis il se concentre et relance le débat :
« Si vous m’expliquiez un peu cet engouement pour la culture, ce
changement de cap, comment dire… »
« Révolutionnaire, est-ce mot que vous cherchiez ? »
Lui souffle l’homme immobilisé.
« Poursuivez, précisez-moi ce que vous en attendez, j’aimerais
comprendre ce qui a poussé un n°23 à prendre un risque pareil. »
Lui demande Der Maulwurf.
« Je vais essayer de vous y aider, mais je ne suis pas sur que vous y arriverez,
vous venez de faire un gros effort, de l’homme préhistorique à l’homme
civilisé.
Alors maintenant comprendre la culture j’ai bien peur que cela fasse
beaucoup en si peu de temps. »
Cette fois s’en est trop pour le directeur le doigt presse rageusement
la commande.
Le supplicié est à nouveau tétanisé, secoué puis
retombe sans connaissance.
La taupe regrette son geste elle est bien consciente d’avoir à nouveau
perdu la partie et commis une grave erreur.
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An
3115 jour 195 Centre de rééducation de Liverpool
Cellule 548
Kurt
Mueller dans sa cellule immaculée en salopette blanche
de détenu est en proie à l’angoisse.
Hier matin quatre gardes noirs possédant tous le même visage standard
se sont saisis de lui dans son bureau, et sans aucune explication l’ont
conduit dans cette cellule ou il passe en revue tous les cas de figure, les
erreurs qui auraient pu le conduire ici.
Parfois des bruits dans le couloir le font tressaillir et un détenu
est extrait d’une cellule proche, souvent celui ci hurle et se débat.
Il ne sait pas s’il doit souhaiter que sa porte s’ouvre pour aller
vers un probable décervelage, ou espérer que ses geôliers
s’intéressent à un voisin ce qui lui donnerai un répit.
En bon professionnel il savoure avec amertume la situation. Ses propres consignes
lui reviennent :
« Vous appliquez ensuite la Procédure opérationnelle N°3
(Arrestation discrète, mise au secret, interrogatoire )
Ne commencez pas les interrogatoires trop tôt, laissez la cible quelques
jours sans contacts elle n’en sera que plus coopérative. »
Et il ne connaît que trop bien la suite.
Des
mouvements se font à nouveau entendre dans le couloir.
La porte s’ouvre, l’ex directeur se met à transpirer abondamment
et c’est Willy Grohmann en uniforme qui vient lui rendre visite.
Der Maulwurf perd à nouveau tous ses repères :
« Que faites-vous ici ? Qui vous a libéré ? C’est vous
qui avez monté toute cette machination ! »
L’ex supplicié dément :
« Absolument pas, j’ai bénéficié d’un
retournement de situation et de chance.
Et malgré tout le mépris que j’ai pour vous, j’ai
tenu a vous en informer personnellement, car je trouve l’ironie de l’histoire
délectable et je tiens à être le premier à vous
la faire partager.
Voilà, pendant que vous évertuiez maladroitement et sans succès à instruire
un dossier me concernant. Le n° 22 à fait l’objet d’une
destitution, bien entendu la conséquence immédiate de sa déchéance
a été de renier ce qu’il a fait et réhabiliter ce
qu’il a défait.
Je vous informe donc de ma promotion au titre de n°22. Le n°21 se passionne
pour la culture et trouve mon idée intéressante, Il a aussi été très
impressionné quand il a visualisé les enregistrements de ma prestation
lors de mes interrogatoires, vous vous souvenez, les décharges électriques.
D’ailleurs les trente premiers ont été sensibilisés à la
torture, surtout en ce qui les concerne et ils m’ont chargé de
concocter une loi qui interdit son application à leur encontre.
Je devrais vous remercier. En fait vous n’avez rendu service.
Mais laissons l’ironie de coté.
Nous savons tous les deux qu’il existe un contentieux bien plus grave
entre nous.
Je vous cite.
Le 14 janvier 1970 Berlin Est Centre de garde à vue:
« La partie est perdue d’avance pour vous. Personne ne sait où vous êtes,
vous-même l’ignorez, nous avons le pouvoir absolu sur vous, personne
ne peux vous aider, vous pouvez disparaître à tout moment sans laisser
de traces.
Votre seule chance de sauver votre vie et d’épargner vos proches,
c’est de rédiger vos aveux. »
Puis il sort une photo en noir et blanc de sa poche, lui tend et dit :
« J’ai aussi un document qui illustre parfaitement ce que vous êtes. »
La taupe reconnaît parfaitement le photomontage qu’il avait demandé,
où l’on voit les ébats sexuels d’un couple sur lequel,
on a remplacé les visages, par ceux de Willy Grohmann et de Ute Junj.
Willy poursuit :
« Puisque c’est le jour des surprises, il y a quelqu’un derrière
la porte qui veut vous montrer un petit hologramme. Cela vous rappellera le bon
temps et vous y verrez les résultats de vos talents de séducteur. »
Grista Grohmann encore plus jolie que jamais malgré son uniforme de
général fait son entrée et sans un regard pour l’ex
directeur actionne le projecteur.
En fond sonore la voix de Der Maulwurf répète la proposition
qu’il lui avait faite le 31 janvier 1970 :
« En contre partie, je vous invite dans une semaine en villégiature
quelques jours à Gera ou je possède un chalet. Un peu de repos
vous fera du bien, je pourrais vous rendre compte de mes démarches et
nous aurons tout le loisir de préparer des moyens de protéger ou
de défendre vos proches. J’insiste sur le fait que je prends d’énormes
risques. »
Tandis que les images 3 D montrent le chemin de croix de Crista sortant du
bureau désemparée . Se précipitant vers la sortie comme
un zombie.
Puis dans la rue les hauts le cœur et les vomissements….
Crista Grohmann daigna fixer son bourreau dans les yeux pour conclure avant
de sortir :
« Je pourrais reconstituer d’autres scènes ’’plus
croustillantes ‘’mais je pense qu’ici personne n’en sortirait
grandi. »
Der
Maulwurf perdit connaissance au moment où elle franchissait
la porte.
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Epilogue
An 3115 jour 196 Centre de rééducation de Liverpool
Cellule 548
Kurt
Mueller dans sa cellule immaculée en salopette blanche
de détenu est en proie à l’angoisse.
A nouveau des bruits de pas dans le couloir se rapprochent,
la porte s’ouvre et Little-Prince entre.
L’ex directeur en le voyant se laisse aller à l’abattement
:
« Il ne manquait plus que vous ! Finissons-en vite, j’aimerais mourir
! »
Son visiteur lui répond :
« Pour qui me prenez-vous ! J’ai tout le contraire à vous
offrir. »
Kurt poursuit :
« Vous avez assez joué avec moi, laissez-moi en paix. »
Le jeune homme sourit et insiste :
« La paix ! La paix des corps et des âmes. Quel mot magnifique !
C’est la première fois que je l’entends sortant de votre bouche
! Et j’en connais bien d’autres que je ne vous ai jamais entendu
prononcer. L’harmonie, l’amour, l’amitié …
C’est ce que j’ai à vous proposer ! »
La taupe regarde son interlocuteur et dans ses grands yeux y lit de la sincérité.
C’est comme si un rideau de plomb tombait et laissait entrer un ciel
bleu.
« Mais enfin qui êtes vous vraiment ? »
Lui demande-t-il.
« Selon les époques ou les civilisations, on nous nomme moi et mes
semblables, l’ange gardien, le prophète, le troll, le djinn, et
d’une manière moins poétique les régulateurs.
Maintenant vous allez m’écouter, je vais tout vous expliquer.
Souvenez-vous de votre réveil dans ce monde.
Je vous ai raconté l’histoire de l’humanité jusqu’à ce
jour, en réalité je vous ai partiellement menti.
Vous avez été réellement reconstitué et réanimé mais
plongé dans un monde transitoire et virtuel. Cette étape est
destinée à vous tester et à vous améliorer, à vous
faire prendre conscience de vos défauts et aussi à réparer
vos exactions envers vos semblables. »
La taupe constate :
« Je crois que j’ai été très nul à ce
niveau ! »
Little-Prince lui précise :
« Une grosse partie du chemin a été accomplie, vous avez
bien compris où mènerai l’idéologie que vous avez
pratiquée avec zèle en RDA. Le monde réel aujourd’hui
est bien loin de tout cela, les systèmes ont disparu. Il n’est pas
parfait mais il faut conserver quelques petits défauts pour ne pas le
rendre ennuyeux.
Pour y accéder, il vous reste encore des épreuves à subir,
mais faites-moi confiance l’enjeu en vaut la peine. »
« Quelles sont ces épreuves ? » Demande Kurt.
« Entre autres rendre des comptes à la famille Grohmann » lui
répond son guide.
« Je crois que c’est impossible ils ne me pardonneront jamais…..
et tous les autres ? »
S’exclame la taupe en proie au découragement
« Ce ne sera pas facile, mais vous disposez d’un temps infini. »
Lui fait remarquer Little-Prince puis il lui demande à brûle pourpoint
:
« Quelle réparation demanderiez-vous à Franz Grohmann le
fils pour son coup de baïonnette ? »
Kurt répond aussitôt :
« Aucune ! Ce n’est vraiment rien à coté du mal que
je leur ai fait ! »
« Cette réponse franche me rassure sur la suite de votre édification.
J’ai bon espoir pour vous. Si nous allions les rencontrer ? »
Fin
du chapitre concernant Der Maulwurf.
CONTINUEZ AVEC LE PETIT PRINCE POUR RENCONTRER LES IMMORTELS,
LES REGULATEURS ET CONNAITRE L’AVENIR DE L’HUMANITE.
POUR ENCORE PLUS DE COMPREHENSION PARTAGEZ LES AVENTURES
D’UN MAXIMUM DE PERSONNAGES AVANT DE TERMINER AVEC
LE PETIT PRINCE.